« Maëeeeeeeeeee, pousses-toi de là ! » La jeune blonde criait alors que son frère venait littéralement de lui tomber dessus, alors qu’elle était tranquillement installée dans le canapé. Chez les Winchester, avec Lou, sa sœur jumelle Noa et Maë, c’était souvent la guerre. Pas une journée de calme, enfin surtout avec Lou et Maë. Noa, elle, avait toujours été un peu en retrait, timide. « Mais toi bouges, c’est à mon tour d’avoir la télé ! »  Les parents étaient plus que désespérés avec eux, enfin quand ils étaient là. A Manchester, maître Winchester et ses origines anglaises était bien connu. Certainement l’un des meilleurs avocats de la ville. « Deux minutes steuplaît, ça va être finiii » le supplia t’elle de ses petits yeux de chien battu. Elle arrivait toujours à avoir ce qu’elle voulait, avec ce regard qu’elle tendait à tout bout de champ. « T’es chiante, en plus, tu prends toute la place » lança t’il à sa jeune sœur sans vraiment plaisanter. « Ben dis que je suis grosse aussi » « Tu l’es ! Il te faudra bientôt deux chaises pour poser ton gros c*l dessus ! » Qu’il était méchant. C’était l’amour fou entre les deux, seulement, ils passaient beaucoup plus de temps à se chamailler plutôt qu’autre chose. « Je te déteste Maë. Non pire, je te haïs ! » lança t’elle en criant, se relevant du canapé et lui lançant la télécommande. « T’as gagné ! » Puis elle monta directement dans sa chambre, sans prêter attention à Noa, sa jumelle qui essayait de la rattraper, lui disant de se calmer. Soupirant, elle entra dans sa chambre, se regardant dans le miroir en pleurant. Elle se trouvait grosse. Moche. Maë avait raison, si elle continuait, elle allait finir obèse. Mais elle ne pouvait pas s’empêcher de manger, surtout quand personne n’était là pour l’en empêcher. Ce jour-là, la veille de ses onze ans, elle prit une décision importante pour son avenir, pour sa vie. Elle avait entendu parler de ses camps de vacances pour obèse ou personnes ayant des formes et ne le supporter pas. Deux mois pendant l’été qui lui permettraient de perdre tout le surpoids qu’elle avait engrainé depuis quelques années. Elle s’arrêta de pleurer, se connecta sur son ordinateur, et s’inscrivit pour la première session de juillet. Peu importe ce qu’on lui dirait, elle était bien motivée à le faire. Séchant ses larmes, elle redescendit finalement au salon retrouver son frère et sa sœur. « Lou ? » C’était Maë. Elle se retourna sur lui. « Je t’aime » C’était sa façon à lui de s’excuser pour les insultes, pour la télévision et tout le reste. « Je sais » répondit-elle simplement avant de s’asseoir à ses côtés et de se blottir dans ses bras. Elle invita sa sœur à les rejoindre. Maë ne savait pas qu’il avait déclenché cette envie de maigrir, de se sentir mieux dans son corps. Trois enfants indépendants et livrés à eux-même, voilà ce qu’on pouvait voir.

Elle avait changé. Elle n’était plus la même. Ces deux mois dans ce camp de vacances l’avait transformé, autant physiquement que psychologiquement. Plus belle, plus fine, elle avait plus confiance en elle, bien que ça, c’était encore à travailler. Elle savait qu’elle ne serait jamais comme toutes ces filles dans les magasines, ou mieux encore, les populaires du lycée. Le lycée était une étape importante, et Lou le savait. Personne hormis ses proches, connaissait la réelle Esmée Louise Winchester, celle qui avait été grosse, et qui ne se supportait plus. « T’es belle Lou, ça change » lança Maë en tirant la langue à sa jeune sœur. « La ferme Maë » répliqua t’elle simplement, alors que son père – présent pour une fois – demanda à Lou de faire des efforts, que Maë était gentil et que son compliment était sincère. « L’écoute pas, t’es parfaite » renchérit Noa, la sœur jumelle – fausse jumelle puisqu’à part leur blondeur, elle n’avait pas un physique similaire – et que Lou remercia d’un sourire. Elles n’étaient pas vraiment proches, bien qu’elles s’adorent vraiment. Premier jour de lycée qui se déroula plutôt bien. Manchester était une grande ville, et donc des lycéens, il y en avait à la pelle. C’était facile de passer inaperçu, sauf quand, comme Lou, vous craquez dès le premier jour pour le petit-ami de la fille la plus populaire du bahut. Olivia, c’était le nom de cette fille. Lui ? Louis. Il était si parfait, et aussi si inatteignable. Intouchable. « Lou, tu peux pas craquer pour lui, Olivia va… t’arracher les yeux ! » Noa et Lou se trouvaient dans leur chambre à l’étage, tandis que la deuxième blonde s’était confiée à la première. « Je sais… » soupira t’elle finalement. Elle savait, mais ça ne l’avait pas empêché de continuer. Il l’avait remarqué, et plus tard, il quitta Olivia pour sortir avec elle. Premier amour, grand amour, et aussi grande déception. L’ex copine s’était vengée, et en beauté, surtout quand elle avait découvert la Lou d’avant le camp de vacances. Elle avait placardé tous les murs du lycée avec des photos de la blonde, ne la mettant absolument pas en valeur. Et le mec en question, Louis, la largua finalement pour se remettre avec Olivia. Une sale histoire, une première histoire d’amour gâchée, qui la laisserait amer pour les suivantes. « Il n’était pas assez bien pour toi Louisette » Elle avait rigolé en entendant Maë parler. Toujours le mot pour rire, et ce surnom qu’elle détestait. S’il avait raison ? Elle en doutait, mais peu importait, elle resterait loin des garçons de ce genre maintenant, c’était certain.  

« Hey salut, c’est toi la grosse qu’on a vu sur tous les murs du bahut ? » Lou s’était retournée sur la fille qui lui parlait. Comment osait-elle d’ailleurs l’insulter de la sorte ? La regardant de haut en bas, elle répondit sur le même ton : « Et toi la fille aux cheveux bleus que tout le monde surnomme E.T. ? » Elles se regardèrent avant d’éclater de rire. Les préjugés, c’était vraiment un truc de dingue. Inventés par l’être humain pour faire souffrir les gens, c’est tout. Cette fille, elle l’avait vu deux ou trois fois dans les couloirs du lycée, elle était assez solitaire. Seulement là, elle semblait avoir fait un effort. La blonde tendit sa main à la jeune fille : « Lou, enfin Louana mais on m’appelle Lou » « Jazz, c’est Jazzline, mais on m’appelle Jazz, enfin quand on m’appelle » Lou rigola une nouvelle fois, prit la jeune femme par le bras et alla droit jusqu’au réfectoire pour manger. Elle avait rencontré là celle qui deviendrait très vite sa meilleure amie, sa moitié, son autre jumelle. Son âme-sœur. Elle n’arrivait pas vraiment à définir cette relation qui les unissait, tellement elles étaient fusionnelles. C’était incroyable. Elles ne se ressemblaient en rien physiquement, et de caractère, elles avaient bien quelques points communs, mais rien de bien exceptionnel. Et pourtant, elles s’entendaient bien. A merveille même, et s’adoraient. ‘Jusqu’aux étoiles’ ajoutaient-elle quand elles se disaient je t’aime. Elles s’étaient réellement bien trouvées. « Jazz, le jour où je pars de Manchester pour aller je ne sais où, tu me suis ? » « Et toi, le jour où je décide de faire le tour du monde en vélo, tu me suis ? » « Bien sur, mais en voiture » rétorqua la blonde avant d’éclater de rire. C’était comme ça entre elles, depuis le début. Quand l’une posait une question, l’autre suivait. Elles se complétaient en quelque sorte. Pas besoin de paroles pour se comprendre, un regard suffisait. Une relation particulière que Noa avait un peu envié au début, elle qui n’était pas si proche de sa jumelle que Jazz ne pouvait l’être. Finalement, elle s’était faite à l’idée que quoiqu’elle fasse, rien ne changerait. Et même si ça la rendait un peu malheureuse, elle faisait avec. Et puis, elle avait ses amis aussi qu’elle considérait comme sa deuxième famille. Au final, tout le monde était heureux. Pour le moment.

Finalement, le seul qui quitta Manchester, c’est Maë. Et aussi Noa. La belle famille volait en éclat, et ce, à cause d’un désaccord commun : les études. Le père Winchester n’avait qu’une idée en tête, faire de ses trois petits anges – ou pas – de futurs grands avocats, comme lui. Seulement, à part Lou, les deux autres se rebellèrent, et quittèrent la maison. Maë, il avait juste changé de ville, il habitait à Lighfield maintenant, et selon ses dires, il se plaisait bien là-bas. Il s’était rapidement fait une bande de copains, et il n’avait plus envie de revenir. En plus, il vivait de sa passion, alors à quoi bon rentrer à Manchester ? Peut-être juste pour sa sœur, sa Lou chérie, qu’il avait au téléphone au moins deux fois par jour. Et Noa, elle avait carrément changé de pays. Elle était en France, bien décidée à s’éloigner de cette famille dans laquelle elle n’avait jamais réussi à trouver sa place. Elle manquait à Lou, plus qu’elle n’aurait pu le croire mais les espoirs qu’elle rentre au pays étaient minces aussi. Au final, Lou se retrouvait seule à la maison, à étudier le droit bien comme il faut à l’université de Manchester. Seule parce que ses parents n’étaient pas beaucoup plus présents que quand ils étaient gamins. Il lui restait Jazz, la seule et l’unique. « Quoi ? Pourquoi tu veux partir Lou ? T’es bien ici, t’as tout ce qu’il te faut, et puis j’ai besoin de toi… » « Je me sens plus à ma place Jazz, mes parents se fichent de comment je vais ou non, ma sœur est à l’autre bout du monde et mon frère me manque » lança t’elle en soupirant. Elle avait besoin de changement, au risque d’exploser ou de faire une connerie. « Viens avec moi » « J’peux pas Lou » La blonde baissa la tête. Elle n’avait pas envie de laisser Jazz, pourtant, elle n’avait pas non plus envie de rester à Manchester. « Et Josh ? » Joshua, son petit-ami depuis quelques mois. « On a rompu » « Pourquoi ? » « Il se tape Maëva » lança t’elle simplement, restant de marbre. Aucune émotion. Il s’était foutu d’elle comme tous les autres avant. Raison de plus pour quitter cette ville maudite. « Tu vas me manquer » « Toi aussi chou » « Tu m’appelleras hein ? » « Promis » Et elle entrecroisa son petit doigt avec le sien, comme elles le faisaient tout le temps, quand il s’agissait de promesses.

Louana venait de descendre ses valises de sa chambre et posa la dernière sur le sol du salon. La maison était vide, comme d’habitude, ce qui avait le don de la déprimer un peu et de la conforter dans son choix de quitter cette ville qu’elle commençait légèrement à détester. Elle soupira en pensant à ses parents qui devaient encore travailler, et à sa meilleure amie, qui devait la rejoindre d’ici quelques minutes pour le dernier au-revoir. Elle l’accompagnerait jusqu’à la gare et là-bas, elle lui ferait le plus gros des câlins jamais fait auparavant. Regardant les photos accrochées sur le mur au dessus du canapé, Lou sourit bêtement. Cette photo qu’elle fixe depuis quelques secondes, elle la connait très bien. C’est même sa préférée, entre toutes. Juste avant le départ de Noa et Maë, avec Jazz en plus. Elle comprenait alors que cette décision de rejoindre son frère est certainement la meilleure de toute sa vie – si on enlève celle du jour où elle est entrée en camp de vacances pour en finir avec son obésité. Lou se déplaça jusqu’à la cuisine et attrapa un pot dans l’une des armoires à nourriture, avant d’en sortir une liasse de billets. De l’argent mis de côté pour les situations d’urgence. Et c’était une situation d’urgence donc, elle les prit sans regrets. Elle sortit alors une enveloppe de sa poche, sur laquelle il était écrit ‘Pour maman et papa’ et la déposa sur la table. C’était tout ce qu’elle allait leur laisser oui, mais de toute façon, ils s’en contrefichaient alors. Elle fit sortit de ses pensées par sa meilleure amie, Jazzlyne : « Alors prête ? On y va ? » Lou se retourna vers la jeune femme en souriant. « T’es si pressée que ça que je m’en… » Aille. Elle n’eut pas le temps de finir sa phrase que déjà, elle s’écria : « Jazz, mais tout ça, qu’est-ce que ça veut dire ?! » Sa copine venait de poser ses valises à côté de celles de sa blonde préférée. « Que je viens avec toi ! » Avec un petit cri de joie ‘hiiii’, elle s’élança vers la jeune femme pour la prendre dans ses bras. Elle était si heureuse. En fait, elle ne pouvait pas l’être plus. Puis, Jazz lui demanda si elle se rappelait la promesse qu’elles s’étaient faites, lorsqu’elles étaient encore au lycée. Que si l’une quittait la ville, l’autre la suivrait forcément. Peut-être que Lou l’avait oublié, mais Jazz non et c’était pourquoi elle avait pris la décision de quitter sa famille pour suivre sa Lou. Sa meilleure amie. Sa sœur. Bras dessus, bras dessous, valises en main, les filles quittèrent la maison des Winchester, le sourire aux lèvres. C’était une nouvelle aventure qui les attendait.  

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