« Bénissez nous seigneur, bénissez ce repas, ceux qui l’ont préparé et procurez du pain à ceux qui n’en ont pas. Ainsi soit-il. Amen. ». J'ai grandi au sein d'un milieu très pieu. Papa était avocat et maman bénévole dans des organisations humanitaires. Je ne peux pas dire que j'ai foncièrement manqué de quelque chose. J'étais une enfant désirée, aimée et choyée. Fille unique, je crois que j'ai toujours rêvé d'avoir un petit frère ou une petite sœur auprès de moi. Notre famille était très appréciée, mon père était un avocat réputé pour venir en aide aux plus démunis et les actions de ma mère rendaient notre famille respectable aux yeux de tous nos concitoyens. J'ai vraiment eu une enfance facile, comme tout être peut en rêver. Mais je crois, qu'au fond, j'ai toujours su que cette vie n'était pas faite pour moi. Je me suis longtemps voilée la face, me confortant dans l'idée que le plan d'avenir que mes parents avaient imaginé pour moi était ce dont je voulais vraiment. J'étais une enfant sage, bien élevée, qui avait de bonnes notes à l'école. J'étais la digne fille de mes géniteurs et ils n'hésitaient pas à me montrer à leurs amis, collègues et connaissances, comme le fruit glorieux de leur amour. Je crois que je me suis toujours sentie comme un objet, qu'on expose à la vue de tous pour en mettre plein les yeux. J'étais un moyen de montrer aux autres, ô combien la famille Andrews était respectable et avait réussi, sur tous les points... Mais l'envers du décors n'était pas toujours aussi rose...
Mes parents ne s'aimaient pas vraiment, je pense. Ils étaient attachés l'un à l'autre et sur le papier, semblaient parfaits l'un pour l'autre. Mais je ne pense pas qu'ils s'aimaient. Pas comme Roméo aime Juliette, pas comme la Belle aime la bête. Non, mes parents se respectaient et s'appréciaient, mais les marques d'affections étaient rares. Lorsque j'étais enfant, je pensais qu'il était tout à fait normal que maman ne dorme pas avec papa. C'était mon exemple, la seule vision que j'avais de l'amour, à l'époque. Je voulais une vie à leur image : un mari aimant qui subviendrait à mes besoins. C'était ce que mes parents voulaient pour moi et ce que je pensais désirer également... mais j'ai grandi et je crois que le jour où j'ai ouvert les yeux, fut le jour où tout a dérapé.
J'avais dix-sept ans. Lycéenne presque modèle, mes professeurs ne tarissaient pas d'éloges à mon sujet. J'avais des amis, tout aussi respectables que moi. J'aidais maman dans ses œuvres caritatives et j'avais le loisir d'apprécier fortement la compagnie de Louis, le fils d'un collaborateur de mon père, avec qui j'étais sensée me marier. J'en étais ravie, mais à l'époque, j'essayais tellement de respecter à la lettre le modèle de personne que mes parents voulaient que je sois que j'en ai oublié d'être... moi. Je n'étais qu'une vitrine. Un objet que l'on forge à sa convenance et j'étais complètement aveuglée. Du moins, ça, c'était avant que je le rencontre. Il s'appelait James. Il n'était pas un bad boy à proprement parler, mais il représentait tout ce que je ne connaissais pas. James venait d'un milieu modeste, ses parents étaient séparés et il ne fréquentait pas les mêmes établissements que moi. Je l'ai rencontré à l'arrêt de bus, devant mon école. Ce fut une rencontre assez banale, mais qui chamboula ma vie du tout au tout. James était l'interdit, il me faisait découvrir de nouveaux horizons et je crois que bien plus que cela, il m'a fait découvrir qui j'étais.
A l'époque, j'avais cette impression de mener une double vie. Je n'avais pas pour habitude de mentir, encore moins à mes parents, mais je ne pouvais me résoudre à leur parler de James. Il était entré dans ma vie si rapidement que j'en avais eu le souffle coupé. Et bien évidemment, j'en suis tombée amoureuse. C'est incroyablement niais et banal lorsque j'y repense, mais sur le coup, je pensais sincèrement vivre quelque chose d'incroyable. Pour la première fois de ma vie, je vivais, ressentais et prenais des risques. Ma vie avait pris un tout autre tournant et c'était aussi excitant qu'effrayant.
Mes parents n'ont rien vu venir, jusqu'au jour où James a décidé de m'embrasser pour la toute première fois et que notre relation a pris du relief. C'était la première fois qu'un garçon me témoignait de l'intérêt et Louis avait complètement disparu de mon esprit. Ma mère fut la première à se rendre compte d'un changement chez moi. Je restais une fille sage et respectable, mais... je commençais à comprendre que ma vie avait été construite de toute pièce et qu'il n'y avait pas de place pour que je laisse libre court à mon libre arbitre. Le soir, je faisais le mur pour voir James et on passait des heures à s'embrasser dans le parc pour enfant non loin de chez moi. Et à chaque fois que j'escaladais le mur de ma maison pour rentrer dans ma chambre, j'avais le souffle coupé par l’adrénaline et le cœur rempli d'amour et de bonheur.
J'ai commencé à omettre des objections quant à un futur possible avec Louis. Mon père l'a mal pris, mais il l'a accepté. C'était une véritable victoire et l'espoir avait pris place en moi. Peut-être mes parents n'étaient-il pas si fermés après tout ? Peut-être que je devais leur faire confiance ? Mais cet espoir s'est vite envolé. James m'avait pris ma virginité et mes parents n'ont pas tardé à découvrir son existence. De la manière la plus stupide qu'il soit, puisqu'ils nous ont croisé, James et moi, main dans la main, dans la rue. Ce fut le début de la chute. Mon père m'interdit de le revoir et j'ai passé des jours, des nuits à être punie et obligée de ne plus voir celui que j'aimais. C'était une véritable déchirure, mais je continuais à croire qu'ils allaient finir par changer d'avis et me laisser vivre ma vie. Alors, j'ai attendu. Un mois, deux mois, six mois... neuf mois... l'espoir s'évaporant définitivement lorsque j'appris que James s'était épris d'une autre fille. "Je ne pouvais pas t'attendre indéfiniment", m'avait-il dit. Ce fut un choc. Moi qui pensais avoir trouvé mon âme-sœur, tombais de très haut. J'étais triste, détruite et plus que tout, en colère. C'est là que tout a dérapé. J'ai remis la faute sur mes parents. Si James m'avait quitté, c'était à cause d'eux. Je refusais de laisser cette faute passer et même si avec du recul, je pense m'être beaucoup trop emportée, je crois que sur le fond, je n'avais pas tout à fait tord. Ce soir là, mon père m'a ordonné de quitter la maison. Et c'est avec le peu d'économie que j'avais, que j'ai quitté mes parents et Manchester.

« Tu devrais mettre cette robe, elle te fait un cul d'enfer ! ». Sur le coup, j'ignorais si c'était un compliment ou non, mais le sourire de tante Hannah m'encouragea à suivre son conseil. Tante Hannah était la sœur de ma mère et bien qu'elle venait d'un milieu tout aussi pieu que ma génitrice, elle avait pris la décision, de longues années auparavant, de ne pas suivre le chemin que ses propres parents avaient dessiné pour elle, devenant, ainsi, la rejetée de la famille. En un sens, je me reconnaissais en tante Hannah et bien que je ne l'avais jamais connu, elle était ma seule échappatoire. Alors, quand j'ai quitté Manchester presque aussi démunie qu'un sans abris (ce que j'étais, en un sens), je me suis rendue chez cette tante que je ne connaissais pas, avec l'espoir qu'elle m'aide. Et j'ai eu raison. Tante Hannah m'a accueilli dans son petit appartement, au centre ville de Lighfield. C'était un tout petit appartement qui puait la cigarette et regorgeait de vêtements et autres chaussures en tous genres, si bien qu'il n'y avait même plus assez de place dans les placards pour tout ranger. Je dormais sur le canapé du salon, mais ça m'allait très bien. Tante Hannah était la personne la plus déjantée que j'avais rencontré de ma vie. Toujours une cigarette au bord des lèvres, elle vivait une vie de bohème, mais elle vivait la vie qu'elle voulait. Son emploi en tant que serveuse dans une boite de nuit convenait amplement pour le style de vie qu'elle menait et bien que je lui ai proposé à plusieurs reprises de me trouver un job pour l'aider à payer le loyer, elle refusa à chaque fois. « Mon chaton, tu es belle, tu es intelligente. Profite de la vie, fais tes études et ne t'occupes pas du reste ! », ne cessait-elle de me dire. Tante Hannah était la personne la plus folle et... étrangement la plus sensée de la Terre. Elle n'avait que faire des conventions, du modèle de vie qu'on nous vend dans les magasines et dont on pense rêver. Elle ne rêvait pas sa vie, mais vivait son rêve, qui n'était autre qu'une existence libre. Elle revenait aux valeurs originelles et je redécouvrais la vie à ses côtés. Elle m'aidait dans mon émancipation et bien que l'étroitesse de son lieu de vie rendait quelques fois la cohabitation un peu compliquée, j'aimais ma vie. J'aimais ce que j'étais en train de vivre et plus que cela, j'avais l'impression d'être libre. Le monde était à mes pieds et rien ni personne ne pouvait m'arrêter. Je crois que l'effet « tante hannah », me montait un peu à la tête, mais mon Dieu, ce que ça faisait du bien !
« Tous les garçons n'auront d'yeux que pour toi, mon chaton ! », me lança-t-elle, une fois la robe enfilée et mon maquillage terminé. Ce n'était pas énorme, j'étais loin d'être aussi apprêtée que ces filles dans les magasines ou à la télévision, mais... le changement était radical. Pourtant, ce n'était qu'une robe, un peu courte, mais pas vraiment moulante et une couche de mascara ! Tante Hannah avait le pouvoir de transformer les choses, moi comprise. Elle savait que cette soirée était importante pour moi, qu'elle marquait le début de ma nouvelle vie. Une vie plus saine, plus simple et plus libre. Quelques nouvelles copines de l'université m'avaient proposé une sortie en boite. C'était loin d'être le genre de domaine dans lequel je me sentais à l'aise, mais je voulais tenter le coup. Au fond, j'avais peur, j'étais terrifiée, mais je n'étais pas seule, j'avais ma tante et j'étais bien décidée à changer de vie. La sociabilisation me semblait une bonne étape à franchir et j'en étais ravie.
Une heure plus tard, j'étais installée sur un fauteuil, dans un coin reculé de la boite de nuit. Je venais de tester mon premier mojito et l'alcool commençait un peu à me monter à la tête, sans pour autant que je sois complètement défaite. Jessy, une amie, m'attrapa alors par le bras, me poussant ainsi à me lever. « Viens on va chercher à boire ! », me lança-t-elle par dessus la musique électronique qui vibrait dans nos oreillers. J'acquiesçais et la suivis jusqu'au bar. Elle commanda des boissons dont j'ignorais même l'existence et on patienta toutes les deux, accoudées au bar, le temps que le barmaid nous apporte nos victuailles. Du moins, ça c'était avant que son visage ne prenne une teinte que je ne connaissais guère et que sa tête s'approche de la mienne. « Oh mon Dieu, oh mon Dieu, oh mon Dieu !! », commença-t-elle toute excitée, son souffle alcoolisé me parvenant en pleine figure. Paniquée, je n'eus pas le temps de dire quoique ce soit qu'elle continua. « Tu vois le mec là-bas ? », me demanda-t-elle, me pointant une silhouette au loin. Je suivis son doigt du regard, mes yeux tombant tout droit sur un jeune homme... pas très grand et loin d'être moche. Non, il était même plutôt beau. Il semblait être avec des amis et quelques filles complétaient leur bande. Son visage était inexpressif et étrangement, j'en vins à me demander s'il ne s'ennuyait pas. Il dégageait une espèce d'hora incroyable et mystérieuse et je comprenais parfaitement pourquoi un attroupement exclusivement féminin s'était créé autours de lui. Oui, ce garçon était très beau, mais au-delà de cela, il dégageait quelque chose... d'intrigant. « C'est Kaiden Villegas, hashtag le beau gosse par excellence, hashtag LE mec avec qui Andy a couché la semaine derrière et crois-moi, il paraît que c'est un sacré bon coup ! ». J'avais du mal à complètement adhérer à cette manière que mes nouvelles copines avaient de parler ouvertement de leur sexualité, mais je crois que je devais juste m'y faire. Jessy semblait complètement excitée par la nouvelle, mais je ne pouvais détacher mes yeux de ce garçon, qui portait régulièrement son verre – surement rempli d'alcool – à la bouche, semblant complètement détaché de la réalité qui l'entourait. Je ne sais pas combien de temps je suis restée là, à l'observer, mais au bout d'un moment, un brusque claquement de doigt devant mes yeux me fit reprendre pied avec la réalité. « Allô ! La terre appelle Ray !! ». Je tournais la tête, regardant avec étourdissement mon amie, complètement sous le choc. Que venait-il de se passer ? Et pourtant, j'avais cette envie incroyable de reposer mes yeux sur ce jeune homme... chose que je ne fis pas, bien évidemment. « Eh, je t'arrête tout de suite ma belle, ce mec, il n'est pas fait pour toi ! », me lança alors Jessy, me prenant de court. J'ouvrais alors la bouche, prête à rétorquer qu'il n'était, en rien, mon type de garçon, mais elle me devança rapidement : « Je sais, il est carrément canon et tout ça, mais... c'est pas un sentimental. Il prend les filles et les jette dès qu'il a fait son affaire... C'est pas un mec pour toi ! », répéta-t-elle une once de pitié dans le regard. Sa main vint alors tendrement se poser sur mon épaule et elle reprit un peu plus calmement : « Tu es une perle rare Ray, t'es trop douce et gentille pour avoir à faire à Kaiden... Ne laisse jamais un mec comme lui t'atteindre, d'accord ? »... Hésitante, j'acquiesçais et alors que Jessy tournait les talons, rejoignant la table où nous nous étions installées, les verres en main, je lançais un regard à l'endroit où j'avais vu ce garçon... constatant qu'il n'était désormais plus là...

De longues heures plus tard, je me sentais un peu nauséeuse. Ce n'était pas la première fois que je buvais de l'alcool, mais je n'avais pour autant, pas forcément l'habitude d’enchaîner les verres de cette manière. Je n'étais pas saoul, juste fatiguée et après un énième bâillement, je regardais l'heure. Deux heures du matin... Il était temps pour moi de partir. Me penchant vers une Jessy complètement sous l'emprise de l'alcool, je tapotais sur son épaule afin d'attirer son attention. « Il se fait tard, je vais y aller ! », lançais-je en élevant la voix pour qu'elle puisse la distinguer au travers de la musique. « Déjà ? », me demanda-t-elle visiblement étonnée. « Oui, j'ai cours demain ! », lui répondis-je, bien qu'en toute logique, nous étions déjà le lendemain matin. Jessy parut déçue et avant qu'elle ne se lève, je continuais : « mais restez, amusez-vous ! J'vais rentrer toute seule ! En tous cas c'était une super soirée ! ». Et je le pensais. Je m'étais amusée. J'avais oublié mes problèmes, mes parents et tout les petits désagréments de mon étrange vie. « T'es sûre ? », malgré le taux évident d'alcool dans son organisme, Jessy restait une fidèle amie et ça me prouvait que j'avais bien fait de la faire entrer dans ma vie. « Oui oui, t'en fais pas pour moi ! », déclarais-je en me levant, attrapant ma veste et mon sac à main et faisant un dernier signe d'au revoir à mes amies.
Sortir de cette boite de nuit fut loin d'être facile, j'ai dû me faire bousculer une trentaine de fois, mais une fois sortie, l'air frais de cette fin de soirée me fit un bien fou. Les basses de la musique résonnaient encore, mais semblaient désormais bien lointaines, ce qui reposait un peu mes pauvres petites oreilles... L'extérieur de la boite de nuit était relativement vide, quelques mecs fumaient, un autre vomissait dans un coin et les videurs observaient les environs. En quelques pas, j'étais désormais éloignée de l’entrepôt et je pensais à sortir mon lecteur de musique afin de me distraire pendant les quelques minutes de marche que j'avais pour rentrer chez tante Hannah, mais avant que je ne puisse faire le moindre geste, une silhouette se dessina devant moi. C'était un type, plutôt grand, le teint étrangement pâle. Ses cheveux étaient cachés par un bonnet de couleur sombre et à l'instant, il me paraissait si grand qu'un seul geste de sa part aurait suffit à me casser en deux. « Ben alors, ma belle, tu vas pas partir si tôt, tout de même ! », me lança-t-il, me refroidissant sur place. Je tentais de rester la plus stoïque possible, mais à l'intérieur de moi, je sentais la panique prendre place. J'étais trop parano, conditionnée à toutes ces horreurs que l'on entend et voit à la télévision. On dit toujours que ça n'arrive qu'aux autres, mais sur le coup, j'étais sûre et certaine que ce type n'avait pas de très bonnes intentions. « Euh... si, je dois rentrer chez moi... », lançais-je d'une petite voix, contournant le mec pour continuer mon chemin. Mais cela semblait trop beau pour être vrai, puisqu'il m'attrapa vivement l'avant bras, me faisant retourner sur place. Je lui faisais désormais face et mon souffle s'était coupé. « Reste un peu, tu vas voir, on va bien s'amuser ! ». Son visage prit alors une teinte un peu plus sombre et ses yeux étaient d'un bleu horriblement froid. J'avais peur, terriblement peur et je maudissais les gens, la terre et le ciel de m'avoir poussé à venir à cette soirée. « Non, ça va aller, merci... », tentais-je, la voix saccadée, mes tentatives de me retirer de son emprise de fer étant belles et bien vaines. J'allais mourir. Dans d'atroces souffrances et même peut-être qu'avant, il allait abuser de moi. Ouais, c'était même sûr et certain et je commençais franchement à paniquer. Brusquement, je me retrouvais plaquée au mur du bâtiment à ma gauche et le corps de l'inconnu était collé au mien. Son souffle alcoolisé salissait ma peau et mon cœur tambourinait dans ma poitrine. « J't'ai observé toute la soirée et tu sais pas combien j'ai rêvé de faire ça ! », me souffla-t-il, le visage plongé dans mon cou qui subissait ses morsures et autres baisers qui me dégoutaient au plus haut point. Je tentais de me débattre, mon sac était au sol et ma veste entre-ouverte. Ses mains se baladaient de partout, sur ma poitrine, mes cuisses dénudées et les larmes coulaient silencieusement sur mes joues alors que je le suppliais d'arrêter, la voix entre-coupée par mes sanglots. J'étais finie...
« EH !! ». Ce fut rapide, brutal et je n'ai rien vu venir. Une seconde plus tard, j'étais assise par terre, le dos collé au mur de brique, le visage dans mes mains. J'entendis des coups, des jurons et le choc de la chaire contre le bitume, puis le silence. Un silence lourd, pesant et j'étais bien trop choquée et étourdie par ce qu'il venait de ce passer que je n'osais relever la tête et voir ce qu'il se passait. J'avais peur et tout d'un coup, l'envie de vomir tout ce que j'avais bu ce soir là me prit brusquement. Une main se posa alors sur mon épaule et mon cœur manqua un battement. Il était revenu, il allait finir le travail et je sentais mes sanglots s'intensifier. Mais cette poigne était plus douce et rapidement, une voix bien différente de cette de mon agresseur se fit entendre : « Eh, calme-toi... ». Elle était douce, comme une caresse et m'incita à relever le visage... Il était agenouillé devant moi, son visage à la même hauteur que le mien. Sa main était toujours sur mon épaule et son air semblait si concerné que j'en perdis mes sanglots. C'était lui, le mec que j'avais vu dans la boite de nuit. Celui dont m'avait parlé Jessy, celui dont il ne fallait pas que je tombe dans les filets. Mais à cet instant, je me fichais de savoir qui il était, ce qu'il avait fait et quel comportement il avait envers la gente féminine. Il venait de me sauver et c'était tout ce qui comptait. « Ça va ? ». Et au lieu de lui répondre, je sautais dans ses bras. Ce n'est pas mon genre de faire preuve d'autant d'affection, mais je crois que je n'étais plus moi-même ce soir là. Beaucoup trop sous le choc, la pression était retombée et me poussait à agir un peu bizarrement. Alors, je le serrais dans mes bras, pleurant toutes les larmes de mon corps, le serrant si fort que j'en avais mal aux bras. Mais il ne dit rien. Sa main vint même caresser le haut de mes cheveux et je restais là, dans ses bras, de si longues minutes que je suis encore aujourd'hui, incapable d'y mettre un nombre précis. Une fois calmée, je desserrais mon étreinte et m'éloignais un peu, séchant du revers de ma main mes joues mouillées. Je reniflais un bon coup et me décidais à poser mon regard sur ce garçon, mon sauveur. J'ouvris la bouche, prête à lui témoigner ma reconnaissance, mais me stoppais net puisqu'au même moment, il apporta sa main à ses cheveux, se recoiffant très rapidement... Et c'est là que je vis la blessure. Sur ses phalanges. Elles étaient rouges et saignaient. « Oh mon Di/mais... tu saignes ! », lui indiquais-je, un peu paniquée. Bizarrement, son visage se teinta d'un sourire amusée et il se releva, me tendant la main pour m'aider à en faire de même. Une fois tous deux sur nos deux pieds, il me répondit un simple : « C'est rien, t'inquiètes pas... ». Mais je n'étais pas complètement convaincue. « Merci... », finissais-je par souffler et pour simple réponse, il m'offrit un nouveau sourire qui me fit encore plus craquer.